750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cuisine et dissidence
5 décembre 2010

Pléneuf, ou ce qu’il faut de vieux

 

20101121BaladeDahouet_075


A Pléneuf, le dimanche, il n’y a pas de criée où acheter du poisson à 6h du matin comme on nous l’avait dit, mais une boulangerie dont la vue achève de nous réveiller et l’odeur de nous réchauffer. Nous en sortons plus lourds de pain et de gâteaux et tant pis pour  les moules, les saint-jacques et les raies.

Nous posons sur la table le produit de notre chasse du matin, chauffons le chocolat, dégainons le beurre salé. Notre baguette est « du pêcheur », je ne sais pas pourquoi, et côtoie une « croûte à thé », un « gwenan » et un paris-brest, qui fait office d’élément de comparaison.

France Bleue Bretagne grésille à la radio une émission culinaire. Nous y apprenons que le jus de moule se congèle très bien et je tente de mémoriser, du coin de mon cerveau, une recette de dessert au lait ribot. Je me dis que quelques photos de nos trouvailles seraient les bienvenues, comme un entraînement au portrait de pâtisseries et nous arrangeons la chose.

 

20101121BaladeDahouet_021

(Le Gwenan, un délicieux goût de frangipane, une texture serrée et fondante, des amandes caramélisées sentant le miel sur le dessus. Est-ce une spécialité locale?)

20101121BaladeDahouet_025

(La croûte à thé. Toujours un goût d'amande, mais aussi de quatre-quarts, avec une texture proche. Un cinq-quarts avec de la poudre d'amande? Posé sur une pâte brisée, rustique donc parfait pour ce matin-là, et très bon)

20101121BaladeDahouet_033

(Oui, au petit-déjeuner parce qu'on n'a peur de rien. Cela dit, c'est la déception du matin. J'ai cherché le praliné dans la couche de crème sans parvenir à le trouver.)

20101121BaladeDahouet_036

(Des craquelins, évidemment. Toujours insipides, toujours d'une texture de papier mâché, toujours inadaptés comme support au beurre salé mais trop pleins de souvenirs pour être ignorés!)

 

C’est au moment où nous nous penchons sur l'aspect photogénique de notre petit-déjeuner que, lentement, la lumière se fait.

J’avais remarqué en poussant la porte et découvrant l’endroit que c’était comme d’habitude : ce qui frappait en premier était ce parfum propre aux intérieurs qui datent. Comme si les fauteuils en bois et tapisserie, les salons aux couleurs sombres avaient tous la même odeur particulière. Je m’étais dit ensuite que voilà, c’était vieux. La question était réglée.

Elle était réglée parce que c’était vieux sans l’être, donc pas intéressant. Il n’y avait dans ce lieu rien d’antique, rien d’historique, autrement dit rien n’appartenant au seul passé sur lequel j’avais accepté de me pencher et le seul qui devait me suffire. J’avais en effet pris la décision de ne me retourner que sur les traces de l’Histoire, que sur les objets qui pouvaient être d’authentiques témoins d’une autre époque, d’une autre vie suffisamment ancienne pour trouver de la valeur dans son âge.

Avais-je, en y réfléchissant, le choix ? Je n’avais pas arrêté cette idée par snobisme, pas par élitisme, mais parce que je cherchais des prises auxquelles m’accrocher dans ma recherche d’origine et que c’étaient les seules que je pouvais atteindre. C’était également parce que ces vieux que je n’avais pour ainsi dire jamais côtoyés m’effrayaient. Je voulais bien leur céder ma place dans le métro mais je ne voulais pas avoir affaire à eux.

La grande Histoire, me disais-je, pouvait bien répondre seule à ma quête de racines, à mon besoin d’ascendance. Elle était, en réalité, ma seule option.

            Sur la nappe à motifs orange et démodés nous avons placés des assiettes rescapées de plusieurs services anciens, des couverts à manches rivetés, un beurrier en plastique des débuts de Tupperware. En y collant mon œil, à ces objets sans valeurs, sans historicité suffisante, je me suis confirmé, comme je commençais à le soupçonner, que c’était finalement ce vieux-là qui m’avait manqué, et que c’était ce vieux-là que je voulais. Un vieux de collections de fiches de cuisine cornées, de boîtes à biscuits en fer, de blouses à fleurs sur les photos et de flacons de Viandox.

Un vieux réel dans lequel auraient vécu mes grands-parents et grandi mes parents.

Un vieux doublement plouc pour notre époque joyeusement oublieuse, fait de campagne et de ringardise, sans valeur marchande et honteux, presque, d’être aussi arriéré.

Un vieux qui m’appartiendrait, qui prendrait tout son sens parce qu’il me parlerait de ceux qui m’ont précédée, qui m’ont donné mon nom et m’ont faite, tout simplement.

            Puisqu’il m’a échappé, c’est chez les autres que je le retrouverai, les dimanches d’automne au bord de la mer et que dans ma mythologie personnelle, je lui redonnerai la place que notre époque lui vole. En foulant les vieux tapis, en m’enroulant dans les couvertures de laine, en examinant les miettes du monde dans lequel vous viviez, je vous retrouverai un peu, mes aïeux inconnus. 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
C'est vrai que le Gwenan est un délice! Je suis justement en train d'en manger un et cherchais la recette sur internet (il n'y en à pas). Vous êtes le 1er résultat de recherche. Je ne sais pas vraiment si c'est une spécialité. Je n'en trouve qu'à la boulangerie de Dahouët et du Val André (même patron)...
B
excellent le gwenan tout comme la croute à thé dans cette boulangerie de dahouêt ou du val-andré<br /> difficile a refaire et obetnir son véritable gout<br /> essayer aussi le gâteau russe (crême au beurre) de cette boulangerie......
Cuisine et dissidence
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité